voici deux critiques pour le film " LA SAINTE VICTOIRE"
Critique de Tootpadu
La politique ne fait pas tellement recette au cinéma, pas plus du côté économique qu'en termes artistiques. Au mieux, la face obscure du pouvoir américain nous réserve de temps en temps des descentes aux enfers de la corruption et de l'idéalisme aveuglé dans des films comme Les Hommes du président d'Alan J. Pakula ou un film sur deux d'Oliver Stone. Et même sur notre continent, les exceptions à la règle existent néanmoins, comme l'ont montré Z de Costa-Gavras ou plus récemment l'excellent Il divo de Paolo Sorrentino. Mais dans l'ensemble, faire un film sur le monde politique en France est aussi ennuyeux que d'en faire tout court, grâce à un appareil législatif qui se trouve actuellement dans un état de torpeur aux antipodes de la ferveur révolutionnaire, qui avait donné à ce pays ses lettres de noblesse et sa réputation internationale de terre d'origine des Droits de l'homme, depuis 1789 jusqu'en mai '68. Il suffit de regarder Le Candidat pour s'en convaincre, dans lequel Niels Arestrup était le dernier à se plonger sans succès dans les arcanes de l'appareil politique.
Le deuxième film de François Favrat après Le Rôle de sa vie, où il est une fois de plus question de parvenus qui profitent de l'éclat de leur idole pour progresser, ne s'en sort nullement mieux, au contraire. Incapable de tirer des éclaircissements quelconques des activités malhonnêtes de ses personnages politiques, par ailleurs guère plus charismatiques que les énergumènes qui nous gouvernent, le scénario passe sans cesse du coq à l'âne, au fil d'une intrigue qui change apparemment sans préméditation de genre toutes les cinq minutes. Tandis que le début de l'ascension sociale de Xavier Alvarez s'apparente encore à une comédie de moeurs, la suite alterne sans le moindre fil rouge narratif entre le thriller politique et la tragédie personnelle. Même sous prétexte de refléter la dégringolade du protagoniste à travers cette perte de repères, la mise en scène de François Favrat n'est pas en mesure d'en déduire un regard plus lucide sur la classe politique, dépeinte comme corrompue jusqu'à l'os, au plus tard lorsqu'elle accède à un niveau de pouvoir considérable.
Pas assez de ces tergiversations agaçantes du ton, La Sainte Victoire souffre au moins autant d'autres lacunes scénaristiques majeures. Pour commencer, le déséquilibre répété entre les efforts d'Alvarez pour mener à bien ses projets (faire élire Cluzel, remporter le marché public) et la rapidité avec laquelle ses victoires sont expédiées pénalisent en quelque sorte tout investissement de la part du spectateur. A quoi bon s'intéresser aux stratagèmes laborieux du personnage principal, si la récompense est amenée d'une manière aussi bancale et peu satisfaisante ? De ce point de vue, on ressent très bien les limites de la réalisation, qui a le plus grand mal à jongler de façon convaincante avec les tenants et les aboutissants d'une intrigue trop alambiquée.
Enfin, les faiblesses formelles du film arrivent tout de même à colporter un message quelque peu réactionnaire, qui cantonne les minorités dans une affaire exclusive (les personnages de Sami Bouajila et Marilyne Canto) et qui insiste surtout sur le maintien du statu quo, puisque le petit imposteur de la cité devra se contenter en fin de compte de respecter les limites sociales prétendument imperméables en France.
Vu le 12 octobre 2009, au Club Marbeuf
Critique de Mulder
Les films français qui sont projetés récemment sur les écrans de nos multiplexes sont pour la plupart très commerciaux et dépourvus de fond. A vrai dire, les bons films ne sortent pas dans une grande combinaison de salles et c'est par l'intermédiaire du marché vidéo ou de Canal+ que nous pouvons avoir la chance de découvrir des œuvres intéressantes, très bien interprétées et subtilement construites.
A l'image de Welcome de Philippe Lioret, qui dénonçait la traque des sans-papiers et des personnes les aidant, ce film de Francois Favrat dénonce les rouages d'une élection municipale. Le monde politique est donc montré à nu, tel qu’il est dans notre réalité. En politique, la plupart des mandatés doivent conclure des alliances plus ou moins honorables, afin de pouvoir réussir à être élus. La principale force de ce film est de montrer, comment un outsider aidé par un simple architecte (self made man) réussit à se faire élire, malgré les pressions, et comment il change et doit faire des concessions, une fois qu'il accès au pouvoir. Pour réussir un tel film, il fallait que le réalisateur puisse être totalement libre. Le distributeur Mars distribution a ainsi pu donner carte blanche au réalisateur pour pouvoir nous présenter une œuvre sans aucune concession.
Tout sonne juste dans ce film. Il fallait aussi que le réalisateur puisse bénéficier d'un casting dévoué à sa cause. Clovis Cornillac, malgré un jeu très linéaire, réussit à donner du relief à son personnage de patron d'une PME. L'autre rôle important est tenu par un Christian Clavier tout en retenu, qui ne surjoue pas pour une fois. Son personnage, qui convoite la place du maire d’Aix-en-Provence est très réaliste. Rares sont les films très réussis sur le milieu politique et suffisamment bien construits pour nous expliquer les rouages d'une campagne municipale. Le milieu social de l'architecte et du futur maire viennent renforcer les liens unissant les personnages principaux. Ce n'est pas un hasard si la fille du maire s'entiche de l'architecte, puisqu'ils partagent la même conception de la vie.
C'est avec ce genre de film que le cinéma français peut s'imposer au delà de nos frontières, car il témoigne de la minutie dont font preuve certains réalisateurs pour narrer les faits importants de notre société et surtout les dépeindre très objectivement. Ce film fut donc un coup de cœur personnel. La note que je lui attribue montre qu'il a retenu mon attention.
Vu le 12 octobre 2009, au Club Marbeuf